Retour sur le « Challenging »

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Retour sur le « Challenging », et parlons du contrôle réciproque…

Considérant que la sûreté est l’affaire de tous, l’Europe a décidé de faire collaborer ensemble tous les professionnels du transport aérien autour d’une recommandation qui porte le nom de « Challenging ». Retour donc sur cet anglicisme, qui au sens de la réglementation européenne a introduit la notion de « Contrôle réciproque ».

L’évolution profonde que connaissent les mesures de sûreté vise à établir un système de défense global. Protéger, surveiller, déceler, empêcher, autant d’actions de différents niveaux se déployant sur un spectre le plus large possible, allant des services compétents de l’Etat à la bienveillance de chacun d’entre nous.

En quoi consiste donc le contrôle réciproque :

Parent pauvre de la sûreté, mesure presque « fourre tout », c’est pourtant un maillon fort et transverse dans une architecture de sûreté complexe à plusieurs vitesses.

Le contrôle réciproque implique et relie tous les acteurs de l’aérien dans un dispositif de vigilance individuelle et étendue. Plus précisément, il s’agit d’un maillage de précaution afin d’assurer la protection du transport aérien de façon générale, celle d’un environnement aéroportuaire plus particulièrement, et de chaque homme et femme qui contribue au bon déroulement des activités aériennes. Cependant, pour être applicable, le « challenging » nécessite l’adhésion indéfectible de tous, fondement même de son efficacité. Et bien que nous cherchions à motiver nos collaborateurs sur sa mise en œuvre, il nous paraît important d’attirer votre attention sur les limites de l’exercice.

De la bonne idée couchée sur la papier à la réalité du terrain…

Sans pour autant remettre en cause l’importance de cette mesure, il est plus que jamais essentiel de faire preuve de discernement entre la nécessité de réagir si un individu n’arbore pas de façon visible son titre d’accès aéroportuaire (TCA), et celle de contrôler toute personne présente en zone réservée pour s’assurer de la justification de sa présence en ces lieux. Et dans ce cas, cela frôle l’utopie.

Attardons-nous un instant sur la définition de « personne non autorisée ». A la lecture de la réglementation européenne, il s’agit d’une personne non titulaire d’un TCA. Les contrôleurs français semblent avoir une interprétation différente, ceux-ci considérant qu’une personne titulaire d’un TCA peut pour autant ne pas être autorisée, car elle n’est pas mandatée pour intervenir sur l’opération concernée. Cette distinction est extrêmement importante. En effet, s’il est possible que les agents d’une compagnie aérienne connaissent les sous-traitants autorisés par elle, il en est tout autrement pour le personnel d’une société d’assistance intervenant sur plusieurs dizaines de compagnies différentes.

En outre, certaines tâches requièrent une attention toute particulière. Elles sont assurément incompatibles avec la vigilance nécessaire pour intercepter des personnes « non autorisées » et ce, sans compter celles dont la bonne réalisation touche directement la sécurité des vols. Pour preuve, un mécanicien avion dont le métier et l’attention sont tournés vers la sécurité des vols, et non pas la sûreté de l’aéronef, ne peut jongler avec les casquettes de sécurité et de sûreté sans entrer dans un exercice périlleux. L’une sans compromis, l’autre dans un dégradé de mesures dont le résultat et le contexte détermine le choix et sa bonne application.

Toujours de façon très théorique, on pourrait envisager comme mesure préventive, que toutes les opérations autour de l’avion, une fois posé, se déroulent simultanément, et que les intervenants quittent la zone de l’aéronef en même temps, de manière à prévenir la présence de personnels non-autorisés. En réalité, et pour des raisons économiques ou de planification aéroportuaire, certaines missions peuvent être programmées et réalisées à n’importe quel moment entre l’arrivée de l’avion et son départ. Plus précisément, restons sur notre exemple précédent d’un mécanicien avion devant faire des allées-venues. Il ne multipliera pas les fermetures de porte à chaque mouvement. Pourquoi ? En premier lieu pour des raisons pratiques, mais également parce qu’il sera soucieux de limiter les risques de casse par l’augmentation significative d’un cycle d’ouverture/fermeture de porte.

Enfin, et bien souvent, un seul technicien opère sous l’aéronef. Comment peut-il, dans cette configuration, assurer de la surveillance en étant d’une part tout seul et devant de surcroît et en priorité se concentrer sur sa tâche ?

De même, si le « challenging » fonctionnait de façon absolue, cela signifierait qu’une personne en déplacement puisse être interpellée pour un contrôle chaque fois qu’elle croiserait une autre personne… Cette dernière ne pouvant savoir si la précédente a pu ou non être déjà contrôlée. Partant de l’adage très connu que le « mieux est l’ennemi du bien », il apparaît plus facilement compréhensible que l’excès d’exigence générant des objectifs impossibles à atteindre, concourt au risque irrémédiable de décourager toutes les meilleures volontés. Comprenons bien que si aucune barrière ne peut être parfaitement étanche, l’existence de plusieurs champs différents de mesures de protection réduit d’autant la probabilité de succès d’une tentative d’attentat ou d’acte de malveillance.

La question que nous devons nous poser aujourd’hui est celle de l’efficacité d’un tel dispositif vaguement généralisé, nous concernant tous et personne à la fois…

La protection aéronef relève-t-elle d’une mesure aussi généralisée ou serait-elle une mission exclusive confiée à une ou plusieurs personnes dédiées et formées ?

Et puisqu’un adage se veut être une énonciation brève et frappante d’une règle de conduite, reprenons celui-ci : « On peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois une personne !»

Enfin, des évaluations régulières faites par les autorités compétentes mettent parfois en exergue, à juste titre, la problématique d’un « challenging » absent. Pour autant, dans son évolution, la sûreté fait l’objet d’une harmonisation des règles : partie critique, fouille de sûreté, rondes et patrouilles, etc. chacune d’entre elles se positionne par rapport aux autres, s’articule avec d’autres et complète un système de défense globale. Aussi pouvons-nous nous demander si l’efficacité d’une mesure s’évalue au regard d’une logique propre, ou si, au contraire, elles doivent être considérées dans une logique d’ensemble ?

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